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Le PET opaque, un défi pour les recycleurs et les scientifiques

Il n'y a pas un plastique, mais des plastiques, et avant de les recycler, il faut les séparer !

On parle souvent « du » plastique, mais on devrait plutôt parler « des » plastiques ! Cette distinction est importante lors de leur recyclage car la première étape de ce processus consiste en effet à séparer les plastiques les uns des autres : c’est l’étape de tri des déchets plastiques. La qualité du plastique recyclé en dépend.

Différents plastiques sont présents dans notre quotidien. On compte parmi les plus courants le polystyrène, le polypropylène, ou le polyéthylène . Celui qui nous intéresse ici est le polyéthylène téréphtalate, dit également PET. Le PET sert notamment à fabriquer des emballages rigides, sous deux formes : transparente comme pour les bouteilles d’eau et de boissons gazeuses ou encore les barquettes, ou alors opaque comme on le retrouve pour certaines bouteilles de lait, de jus de fruit et bien d’autres [1].

Le PET transparent est l’un des emballages plastiques les plus recyclés à l’heure actuelle [2]. On peut en refaire des bouteilles, des barquettes, ou encore des fibres textiles synthétiques.

Son mode de recyclage repose sur le fait qu’il fond lorsqu’il est chauffé à 290 °C : sa texture devient alors celle d’une pâte que l’on peut mettre en forme pour fabriquer de nouveaux objets, et dont on fige la forme en la refroidissant. Également utilisé pour fabriquer des fibres textiles, le plastique fondu est alors étiré avant d’être filé : en refroidissant, de très longs fils, plus fins que des cheveux, sont obtenus. Allant de la centaine de mètres à plusieurs kilomètres de long, ils sont ensuite mis en bobine pour être réemployés par la suite dans la fabrication de textiles.

Qu'est-ce que le PET opaque ? En quoi est-ce un problème ?

Le PET opaque est fabriqué en ajoutant au PET transparent des particules de dioxyde de titane. Ces dernières apportent des propriétés optiques au plastique, le rendant opaque. Le plastique laisse alors moins passer les rayons lumineux susceptibles de dégrader les produits contenus et conserve mieux ceux-ci. Les bouteilles en PET opaque ont fait leur apparition il y a une dizaine d’années, en remplacement d’autres bouteilles opaques en polyéthylène (PE) pour emballer le lait, les jus de fruits, mais aussi le shampooing ou les détergents. Les bouteilles en PET opaque présentent l’avantage d’utiliser moins de plastique que leurs équivalents en PE. Cependant, la présence de PET opaque dans les flux de déchets de PET pertube le recyclage de ce plastique, notamment en ce qui concerne pour la fabrication de fibres textiles : les opacifiants rendent les fibres de PET cassantes, ce qui complique leur étirage à chaud.

Les solutions qui ont été étudiées par des équipes de recherche académiques ou industrielles pour contourner cette difficulté peuvent être classées en trois grandes catégories [3-4]. Tout d’abord, la diminution de la quantité d’opacifiants nécessaire à la formation du PET opaque, tout en maintenant ses performances. Deuxièmement, la recherche de moyens pour améliorer les propriétés de filage du PET contenant des opacifiants. Et finalement, la recherche de nouvelles utilisations pour le PET opaque recyclé.

Les recherches développées par Sylvie Dagréou et son équipe sur le PET opaque s’inscrivent dans cette troisième catégorie. Dans ce type de solution, les déchets de PET opaque sont séparés des déchets de PET transparent et recyclés à part : ils doivent donc avoir leurs propres débouchés commerciaux. L’objectif des chercheurs a été de s’inscrire dans une logique de surcyclage (ou upcycling) : ils se sont mis en quête d'obtenir un matériau recyclé aux propriétés au moins équivalentes à celles du matériau vierge. Cette démarche évite ainsi de cantonner les matières plastiques recyclées à des applications de faible valeur ajoutée, ce qui n’est vertueux ni sur un plan économique ni sur un plan environnemental.

Comment résoudre la problématique du PET opaque ?

Un grand travail de collaboration transfrontalière a été mis en place afin de résoudre la problématique du PET opaque. Les universités de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), du Pays Basque, de Saragosse, l’École nationale d’Ingénieurs de Tarbes, l’Université Polytechnique de Catalogne, associées à des industriels (les sociétés Oudoul 64, Suez et Ekorec) et un centre de recherche et développement privé, Nobatek-INEF4, se sont rassemblés sur ce projet. Chaque partenaire a apporté ses compétences particulières dans le domaine de la mise en forme des plastiques, de l’étude de leurs propriétés, des problématiques particulières au recyclage, des applications possibles.

À l’UPPA, Sylvie Dagréou et ses collègues se sont principalement intéressés à deux voies de recyclage du PET opaque.

La première voie consiste à « réparer » les molécules de PET. En effet, celles-ci sont abîmées par la première transformation de la matière vierge, puis lors de leur recyclage. Les molécules abîmées ont des propriétés moins intéressantes, notamment sur le plan mécanique : elles sont moins résistantes aux chocs et aux frictions. C’est une des raisons pour lesquelles les matières recyclées sont souvent utilisées pour des applications de basse valeur ajoutée, ne nécessitant pas des matériaux performants. La molécule de PET présente l’avantage de pouvoir être régénérée, à haute température, pendant le processus de recyclage.

Ce procédé de régénération a été appliqué avec succès au PET opaque. Les chercheurs ont réussi à restaurer les propriétés du matériau « neuf », notamment en termes de tenue dans le temps.

Ce même PET opaque régénéré a alors été utilisé pour fabriquer des mousses rigides. Ces mousses, à la fois rigides et légères, sont intéressantes pour de nombreuses applications, notamment dans le bâtiment où elles peuvent avoir différents usages. Pour qu’elles soient performantes en tant que matériaux isolants ou coupe-feu, les bulles de gaz emprisonnées dans le matériau plastique doivent être petites et très régulières. Or, les chercheurs ont pu montrer, en observant des échantillons de mousses de PET opaque dans un microscope, que la régénération réduit la taille des bulles de gaz et les rend plus régulières. De quoi ouvrir tout un champ d’application à ce matériau recyclé !

La deuxième voie consistait à étudier le recyclage du PET opaque en mélange avec un autre plastique, le polypropylène (PP). Les plastiques sont généralement incompatibles entre eux. Lorsqu’on cherche à mélanger deux plastiques fondus (ici le PET opaque et le PP), il se passe la même chose qu’avec l’huile et le vinaigre : l’un des plastiques (dans notre cas, le PET opaque) va former des gouttes dans l’autre (ici le PP), comme l’huile forme des gouttes dans le vinaigre. Si on étire le mélange ainsi formé alors qu’il est encore chaud, on peut déformer les gouttes pour en faire de toutes petites fibres très fines (on parle de microfibrilles). Un refroidissement rapide permet ensuite de figer cette forme, dite microfibrillée, et on obtient alors un matériau à la fois rigide et léger.

Le travail de l’équipe de recherche a consisté à étudier les conditions optimales pour l’obtention de microfibrilles les plus longues et les plus fines possibles. C’est la phase du procédé la plus délicate : si le travail se fait à une température trop élevée, les gouttes s’allongent peu, et le refroidissement n’est pas assez rapide pour les figer. À l’inverse, travailler à une température trop basse rend le matériau cassant. Les scientifiques ont pu établir que ce processus, appelé microfibrillation, se produit très efficacement dans la tête d’impression d’une imprimante 3D : la température est optimale, et le mélange, forcé de passer à travers la buse d’impression très fine, est très étiré. Mais comment savoir que la microfibrillation a bien fonctionné ? D’abord parce que les observations des échantillons au microscope électronique permettent de voir les microfibrilles. Ensuite, parce que les chercheurs se sont intéressés à une propriété particulière des échantillons préparés dans l’imprimante 3D : la capacité du matériau à s’écouler. Dans le jargon scientifique, on parle de propriétés rhéologiques (la rhéologie, c’est la science des écoulements). Les propriétés rhéologiques sont très sensibles à la morphologie des microfibrilles : en modifiant légèrement la taille et le diamètre de ces fibrilles, les propriétés rhéologiques changent dans des proportions importantes. Il est donc possible de se servir de ces propriétés pour comprendre l’influence des conditions (température, vitesse d’impression) sur l’efficacité du procédé dans lesquelles on réalise la microfibrillation.

Et maintenant ?

L’expérience acquise avec le recyclage du PET opaque est transposée à d’autres matériaux à base de plastique. Sylvie Dagréou et son équipe travaillent, par exemple, sur le recyclage des boucles d’identification des animaux d’élevage : peut-on les recycler pour produire des membranes de filtration utiles pour le traitement des eaux usées ? Ce qui intéresse plus particulièrement les chercheurs, ce sont les phénomènes, notamment d’écoulement, qui se produisent pendant le processus de recyclage. Mieux les comprendre permettra de franchir des étapes décisives vers un recyclage plus important des plastiques à l’avenir.

Financeur :

Cette étude a été conduite dans le cadre des projets de recherche « RevalPET » et « RevalPET’Up » portés par Sylvie Dagréou, professeure au laboratoire IPREM à l’UPPA.

Les projets RevalPET et RevalPET’Up ont été cofinancés à 65 % par l’Union européenne à travers le Programme Interreg VI-A Espagne-France-Andorre (POCTEFA 2014-2020). L’objectif de POCTEFA est de renforcer l’intégration économique et sociale de la zone frontalière Espagne-France-Andorre.

Bibliographie

[1] Plastics Europe AISBL (2022), Plastics – the facts 2022, Bruxelles.

[2] ADEME (2024), Bilan national du recyclage 2012-2021, Évolutions du recyclage en France de différents matériaux : métaux ferreux et non ferreux, papiers et cartons, verre, plastiques, inertes du BTP, bois et textiles, Paris.

[3] CITEO (2020), « PET opaque : des avancées majeures en éco-conception, recyclage et création de nouveaux débouchés », Citeo.com.

[4] CITEO (2022), « Écoconception et recyclage des emballages en PET opaque - 2011-2022 : retour d’expérience sur la création d’une filière de recyclage en France », Citeo.com.

Modifié le 21/02/2025

DOI: https://doi.org/10.59655/ni52122995492