La foudre, qu'est-ce que c'est ?
Il s’agit d’un phénomène naturel qui se produit lors des orages. Ces derniers, particulièrement récurrents en été, sont dus à des températures élevées, associées à une atmosphère humide permettant la création de cumulonimbus : les nuages d’orages. Au cœur de ces géants pouvant atteindre près de 15 km de haut, de l’air circule, entraînant ainsi avec lui des gouttelettes d’eau de différentes températures. Ces dernières, en s’entrechoquant et se frottant les unes aux autres, vont s’échanger des charges électriques et migrer en deux points opposés. Le nuage devient alors polaire, un peu à la manière d’une pile, avec son sommet chargé positivement et sa base négativement. Séparés par l’air qui joue le rôle d’isolant, ces deux pôles continuent d’emmagasiner de l’énergie électrique jusqu’à ce que la tension accumulée, exprimée en volts, devienne trop forte et que le courant, exprimé en ampères, arrive à se faufiler entre les deux. Lorsque celui-ci y parvient, ce peut être jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’ampères qui se déversent sous la forme de décharges électriques intenses et lumineuses : les éclairs. Mais pourquoi certains éclairs s’échappent-ils du ciel pour venir frapper le sol ? Eh bien, cela est également dû aux nuages ! Lors des orages, la présence de charges négatives, s’accumulant au bas des cumulonimbus, a un effet répulsif sur celles présentes dans le sol. Ainsi, carencée en charges négatives et excédante en charges positives, la surface de la Terre devient un pôle positif et le même schéma peut alors se répéter. La tension électrique augmente entre le sol et les nuages, jusqu’à ce qu’un éclair se forme entre eux afin de la libérer. On dit alors que la foudre s’abat.
Un domaine de recherche unique
À l’UPPA, la foudre est une thématique de recherche à part entière. Pionniers au niveau académique français, Laurent Pécastaing et son équipe Procédés Haute Tension (PHT) travaillent sur le domaine depuis de nombreuses années. Afin de mieux la comprendre, les chercheurs l’étudient grâce à un équipement assez unique. Celui-ci leur permet notamment de reproduire le phénomène en laboratoire, en accumulant et en stockant de grandes quantités d’énergie pendant un temps relativement long, avant de les restituer très rapidement de sorte à en amplifier la puissance. Pour cela, ils ont à leur disposition plusieurs générateurs dits « de Marx » conçus au laboratoire, capables de générer des impulsions de très haute tension. Le plus performant d’entre eux est en mesure de générer jusqu’à près d’un million de volts ! À titre de comparaison, l’impulsion électrique délivrée par les réseaux de lignes à très haute tension en France est limitée à 400 000 volts.
Afin de pouvoir étudier leur comportement en toute sécurité pour les équipements et les personnels, le laboratoire possède une des plus grandes cages de Faraday de France, mesurant plusieurs dizaines de mètres de long. Cet équipement immense permet à ceux qui l’utilisent d’observer et de travailler à la compréhension du comportement des arcs électriques, les courants électriques visibles passant d’un point à un autre (comme les éclairs), tout en étant protégés de ceux-ci. Fait de matériau conducteur, généralement de cuivre, ce type de cage est étanche aux champs électriques et électromagnétiques. Issus de la combinaison d’ondes électriques et magnétiques lorsque des charges électriques sont en mouvement dans un élément conducteur, ces champs électromagnétiques sont dits « induits » car c’est un courant électrique qui les génère. L’enceinte formée par la cage permet d’isoler l’intérieur, ou l’extérieur, de ces champs, jusqu’à ce que ceux-ci finissent par se disperser à sa surface. Si cela peut sembler difficile à imaginer, il suffit de prendre l’exemple d’une voiture ou encore d’un avion !

Le squelette d’acier de ces véhicules peut être foudroyé, mais permet au champ électrique de se disperser à l’extérieur tout en gardant l’intérieur intact sans déplacement de charges électriques. C’est également pour cela que ces engins protègent leurs occupants de la foudre : ce sont des cages de Faraday !
Joueurs, les chercheurs l’ont d’ailleurs prouvé, face caméra, dans l’émission Le Monde de Jamy, où, pour expliquer ce principe méconnu, ils se sont fait foudroyer en toute sécurité dans une voiture. L’objectif était alors de donner des éclaircissements sur les bons gestes à adopter pour se protéger de la foudre, qui, bien que particulièrement dangereuse, ne tombe pas n’importe où sans raison. La liaison entre le sol et le nuage s’effectuant toujours par le chemin le plus court possible, les arbres, les clochers, ou encore les montagnes, sont plus susceptibles de la recevoir. Pour s’en protéger, il est donc conseillé de rentrer dans un intérieur pour se mettre à l’abri, tout en restant à distance des portes et des fenêtres, ou encore de s’enfermer dans sa voiture. S’il n’est pas possible de s’abriter rapidement, il vaut mieux ne pas se servir d’un parapluie : la pointe métallique de celui-ci est un endroit privilégié par la foudre qui y trouverait l’occasion de s’y abattre. Dans ce type de situation, il est préférable de s’accroupir pour se protéger, tout en restant à bonne distance des arbres
Par ailleurs, la foudre peut également endommager des appareils électroniques par surtension, que ce soit lorsqu’elle s’abat directement quelque part sur le réseau électrique ou encore par des courants induits par électromagnétisme. En effet, en frappant la Terre, elle génère un rayonnement électromagnétique qui va produire, à son tour, un courant électrique pouvant altérer, dégrader, voire détruire des équipements électroniques. Les ondes associées à ce même rayonnement engendrent des signaux parasites qui peuvent alors perturber le bon fonctionnement d’appareils par superposition d’ondes. La cage de Faraday permet aussi aux chercheurs de travailler autour de ce type de champs.
Quelles applications pour des recherches sur les hautes tensions ?
Comprendre les phénomènes des hautes tensions, c’est aussi apprendre à les maîtriser et à les utiliser. Parmi les recherches menées par l’équipe, certaines applications concernent directement les domaines de la sécurité civile et de la défense. Dans le cadre d’un partenariat avec plusieurs laboratoires du CEA, le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives, une partie de leurs recherches est tournée vers le développement de générateurs compacts de haute tension, pesant quelques litres et pouvant produire jusqu’à 600 000 volts [1]. Les impulsions qu’ils génèrent trouvent des applications dans le domaine de la protection des populations. À distance, ils peuvent ainsi servir à neutraliser différents systèmes électriques comme ceux de bombes artisanales [2], de drones ou encore éventuellement, à l’immobilisation de véhicules en mouvement non coopératifs. Cela est rendu possible grâce à l’association de leurs générateurs, à des systèmes de propagation d’ondes, leur permettant ainsi de créer des sources électromagnétiques. Les champs rayonnés par ces sources sont ensuite en mesure de mettre hors service des appareils électriques, à distance, en provoquant des pannes ou en les détruisant. Ces sources peuvent également être associées à des antennes de réception afin de servir de radars dont les utilisations sont elles-mêmes multiples. Ces champs peuvent aussi bien servir à localiser des dispositifs de petites dimensions, qu’à repérer des personnes disparues à la suite de séismes ou d’avalanches.

Un second domaine d’application prometteur de ce type de recherche concerne la médecine curative. En collaboration avec l’institut parisien Gustave Roussy, engagé dans la recherche et la lutte contre le cancer, Laurent Pécastaing et son équipe ont développé un nouvel axe de recherche au sein de l’unité : l’électrochimiothérapie [3][4]. L’idée derrière ce terme est simple : allier les champs électriques aux traitements médicamenteux classiques pour lutter contre certains cancers. Pour que cela fonctionne, deux électrodes sont implantées autour d’une tumeur avant que n’y soient envoyées des impulsions électriques. Ces dernières vont permettre d’ouvrir de petits trous, appelés pores, dans les cellules malades afin de les rendre perméables. Ainsi, les médicaments ayant généralement du mal à pénétrer les cellules doivent pouvoir s’y loger, et s’y retrouver éventuellement piégés si les pores se referment grâce à la réversibilité du procédé. L’avantage de ce type de technique est de permettre aux traitements de libérer leurs principes actifs directement dans les cellules malades, augmentant par la même occasion leur performance. Le pourcentage très élevé de rémission des cancers cutanés, traités par cette méthode, atteste de son efficacité. En plus de cela, le champ électrique utilisé pour ces impulsions n’agit que sur les cellules qui se divisent, autrement dit les cellules tumorales. Les effets secondaires sont par conséquent réduits, grâce au procédé lui-même qui les empêche de rater leur cible et d’affecter des cellules saines par mégarde. Si ces techniques existent depuis quelque temps déjà, leur usage est limité à certains types de cancers comme les tumeurs cutanées et sous-cutanées, soit celles qui sont les plus proches de la peau. Cela est en partie dû à la dangerosité d’implanter des électrodes dans des organes comme les poumons. Pour le moment, seuls trois hôpitaux utilisent ces méthodes en France, alors que pas moins de 250 le font déjà à travers le monde. Pour favoriser leur expansion, les chercheurs travaillent au développement d’une nouvelle technique qui permettrait de traiter des tumeurs profondes en zones dites « critiques », comme le cerveau ou le foie.
Aujourd’hui, les applications de ce domaine de recherche ne s’arrêtent pas à la santé et à la défense. La pharmacologie, l’agronomie et différents types d’industries possèdent des problématiques qui leur sont propres et sur lesquelles les chercheurs du laboratoire SIAME peuvent se pencher. Extraire des composés issus d’algues [5], améliorer les procédés de vinification [6] ou encore stériliser des contenants, autant de projets de recherche alors même que les hautes tensions sont loin d’avoir révélé tout leur potentiel!
