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Biométhane et gaz naturel, une histoire de famille

La filière du biogaz et du biométhane est en plein essor en Europe et en France. Dès 2015, des chercheurs de l’Université de Pau et Pays de l’Adour (UPPA) se sont intéressés à la caractérisation détaillée des espèces chimiques présentes dans ces gaz dans la perspective de leur développement comme énergie renouvelable. Cette étude a été menée en partenariat avec Teréga, acteur majeur du transport et du stockage de gaz naturel.

Le biométhane ou comment passer des déchets organiques à la production d’énergie…

Le biogaz est un gaz issu de la fermentation anaérobie, c’est-à-dire en absence d'oxygène, de matières organiques. Il peut s’agir de résidus agricoles, de fumiers, d’effluents de l’industrie agro-alimentaire, de déchets verts, de déchets ménagers organiques ou compost, de boues de stations de traitement d’eaux usées etc … Ce processus biochimique naturel, aussi appelé méthanisation, a été perfectionné et porté à l’échelle industrielle : les matières organiques sont rassemblées dans des réacteurs, appelés méthaniseurs ou digesteurs dans lesquels l’absence d’oxygène est garantie. Au cœur des méthaniseurs, un consortium de bactéries digère et dégrade les matières organiques. Les consortiums de bactéries sont généralement formés par les interactions de deux ou plusieurs groupes de bactéries permettant d'améliorer le taux de dégradation. Le métabolisme de certaines bactéries rejette du dioxyde de carbone (CO2) tandis que d’autres bactéries dites méthanogènes rejettent du méthane (CH4). Ces deux gaz, le CO2 et le CH4, sont donc les constituants majoritaires du biogaz ainsi généré, comptant respectivement pour environ 40% et 60% du volume de gaz. Le CH4 étant un combustible, l’intérêt de la production de biogaz est de valoriser les déchets organiques engendrés par notre société en les transformant en un gaz à haute valeur énergétique [1].

Le  biométhane est la fraction épurée du biogaz : il est produit par séparation du CH4 et du CO2 [2,3]. Son intérêt majeur est d’être un substitut renouvelable du gaz naturel, lui-même composé principalement de méthane mais d’origine fossile [4]. La similitude entre le gaz naturel et le biométhane permet d’injecter ce dernier dans le réseau de transport de gaz naturel auquel il est mélangé, et de l’utiliser pour les mêmes applications : chaudières, chauffe-eau, cuisinières, moteurs…

Comment garantir l’utilisation du biométhane : partir à la pêche aux éléments traces…

L’origine fossile du gaz naturel et l’origine recyclée du biométhane engendrent des différences de compositions entre ces deux sources de gaz notamment pour des composés minoritaires, aussi appelés composés traces en raison de leurs très faibles concentrations [5]. Les travaux de recherche menés à l’UPPA et financés par Teréga portent sur les composés traces du biométhane, peu étudiés jusqu’ici, et en particulier sur les relations entre la nature des matières organiques introduites dans les méthaniseurs, et les composés traces détectés dans le gaz. Les résultats de ces travaux permettent d'évaluer si la composition en composés traces du biométhane respecte les normes de qualité spécifiques au gaz naturel, conditionnant son injection dans le réseau.

L’étude de ces composés traces a nécessité le développement d’une méthode de prélèvement de biométhane permettant d’isoler ou préconcentrer les composés traces afin de les analyser plus facilement [6]. Cette préconcentration s’effectue à l’aide de tubes adsorbants à travers lesquels le gaz circule lors de son prélèvement [7,8]. Les réseaux de transport fonctionnant à des pressions de 30 à 60 bars, un dispositif permettant de prélever le gaz sous haute pression (jusqu’à 200 bara) a ainsi été développé et breveté [9,10].

Ramenés au laboratoire, les tubes adsorbants contenant les composés traces d’intérêt sont analysés par une méthode spécifiquement mise au point pour ces recherches couplant plusieurs techniques analytiques [11].

Les dispositifs instrumentaux et les méthodes analytiques ont été développées et validées au laboratoire comme sur le terrain lors de campagnes d’échantillonnage de biogaz et biométhane menées sur différents sites de production. Plus de 140 composés traces ont ainsi été identifiés, appartenant à différentes familles chimiques : alcools, aldéhydes, alcènes, aromatiques, alcanes, esters, éthers, halogénés, cétones, soufrés, siloxanes et terpènes.

Les méthodes de prélèvement et préconcentration développées permettent de réaliser une cartographie des biogaz et biométhane en amont ou en aval des unités de traitement ainsi qu’au niveau des postes d’injection dans le réseau de transport. Ces travaux contribuent, grâce à la connaissance approfondie des systèmes étudiés, à la multiplication des procédés de biotransformation de déchets en sources d’énergie renouvelable tout en maîtrisant la qualité du gaz produit.

Bibliographie

[1] F. Teymoori Hamzehkolaei, N. Amjady, A Techno-Economic Assessment for Replacement of Conventional Fossil Fuel Based Technologies in Animal Farms with Biogas Fueled CHP Units, Renew. Energy 118 (2018) 602–614. https://doi.org/10.1016/j.renene.2017.11.054.

[2] I. Angelidaki, L. Xie, G. Luo, Y. Zhang, H. Oechsner, A. Lemmer, R. Munoz, P.G. Kougias, Chapter 33 - Biogas Upgrading: Current and Emerging Technologies, in: Biofuels Altern. Feedstock Convers. Process. Prod. Liq. Gaseous Biofuels, Elsevier, 2019: pp. 817–843. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-816856-1.00033-6.

[3] G. Leonzio, Upgrading of Biogas to Bio-Methane with Chemical Absorption Process: Simulation and Environmental Impact, J. Clean. Prod. 131 (2016) 364–375. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2016.05.020.

[4] D.-H. Lee, Evaluation the Financial Feasibility of Biogas Upgrading to Biomethane, Heat, CHP and AWR, Int. J. Hydrog. Energy 42 (2017) 27718–27731. https://doi.org/10.1016/j.ijhydene.2017.07.030.

[5] M. Cachia, B. Bouyssiere, H. Carrier, H. Garraud, G. Caumette, I. Le Hécho, Characterization and Comparison of Trace Metal Compositions in Natural Gas, Biogas, and Biomethane, Energy Fuels 32 (2018) 6397–6400. https://doi.org/10.1021/acs.energyfuels.7b03915.

[6] A. Lecharlier, H. Carrier, I. Le Hécho, Characterization of Biogas and Biomethane Trace Compounds: A Critical Review of Advances in In Situ Sampling and Preconcentration Techniques, Anal. Chim. Acta 1229 (2022) 340174. https://doi.org/10.1016/j.aca.2022.340174.

[7] E. Gallego, F.J. Roca, J.F. Perales, X. Guardino, Comparative Study of the Adsorption Performance of a Multi-Sorbent Bed (Carbotrap, Carbopack X, Carboxen 569) and a Tenax TA Adsorbent Tube for the Analysis of Volatile Organic Compounds (VOCs), Talanta 81 (2010) 916–924. https://doi.org/10.1016/j.talanta.2010.01.037.

[8] K. Arrhenius, A. Fischer, O. Büker, Methods for Sampling Biogas and Biomethane on Adsorbent Tubes After Collection in Gas Bags, Appl. Sci. 9 (2019) 1171. https://doi.org/10.3390/app9061171.

[9] A. Lecharlier, H. Carrier, B. Bouyssiere, G. Caumette, P. Chiquet, I. Le Hécho, Novel Field-Portable High-Pressure Adsorbent Tube Sampler Prototype for the Direct in Situ Preconcentration of Trace Compounds in Gases at Their Working Pressures: Application to Biomethane, RSC Adv. 12 (2022) 10071–10087. https://doi.org/10.1039/d2ra00601d.

[10] H. Carrier, I. Le Hécho, J.-L. Daridon, Device for Collecting a Sample of Elements of Interest Present as Traces in a Pressurized Gas. Terega/UPPA patent (France), Patent n° WO 2020217031, 2020.

[11] A. Lecharlier, B. Bouyssiere, H. Carrier, I.L. Hécho, Promises of a New Versatile Field-Deployable Sorbent Tube Thermodesorber by Application to BTEX Analysis in CH4, Talanta Open 4 (2021) 100066. https://doi.org/10.1016/j.talo.2021.100066.

[12] S. Kaza, L. Yao, P. Bhada-Tata, F. Van Woerden, What a Waste 2.0: A Global Snapshot of Solid Waste Management to 2050, World Bank Publications, 2018.

Modifié le 17/06/2025

DOI: https://doi.org/10.59655/hsa5212299549